« Plusieurs fois, je me suis dit : ‘’Je tiens un sabre laser, c’est quand même un peu la classe !’’ » Après une heure éprouvante, Emilie repose enfin sa lame en carbone, la tête encore un peu dans les étoiles. Cette fan est l’une des premières à avoir franchi la porte de la Sport Saber League, l’école de maniement du sabre laser, qui s’est ouverte à Paris en septembre 2015. Par goût de l’effort ? Pas vraiment, la jeune développeuse en informatique n’avait jamais fait de sport de sa vie. « Mais l’idée de manier un sabre m’a tout de suite parlé », lâche-t-elle.
Surtout qu’il s’agit ici de croiser le laser avec d’autres fans de la saga créée par George Lucas. « Une donnée essentielle de la culture « Star Wars », comme de la culture geek, c’est le partage, l’échange d’informations », analyse Jean-Baptiste Clais, ethnologue de profession. Comme il y a plusieurs côtés de la Force, il y a plusieurs moyens d’assouvir sa passion. « La première, c’est d’aller voir d’autres fans sur les forums Internet ou dans son entourage, poursuit Jean-Baptiste Clais. Puis en fonction de ses centres d’intérêt, chacun va rejoindre un sous-groupe, celui qui écrit, celui qui se costume…»
Ou bien celui qui se rêve en maître Yoda affrontant le Comte Dooku comme dans l’épisode II L’attaque des clones. « On a envie de reproduire les gestes du film, confirme Justine, jeune Padawan de 21 ans. Mais c’est bien plus exigeant que ce qu’on imagine à première vue. Le lendemain du premier cours, j’avais des courbatures partout… »
La 501e Légion, des fans quasi professionnels
Une armée de fans. Ou, pour être tout à fait exact, une légion. Créée aux Etats Unis par Albin Johnson, la « 501e Légion » compterait à ce jour 7.000 membres dans 48 pays, dont 147 en France, selon Arnaud Miralès, commandeur de la garnison française. En comparaison, la « Rebel Legion » ne compte « que » 4.000 membres.
Les fans sont surtout réunis sous la bannière de l’Empire pour leur passion des costumes. « C’est le critère d’entrée, explique Arnaud Miralès. Le costume doit être movie accurate, c’est-à-dire remplir un cahier des charges précis pour être le plus proche du film. » Chaque postulant doit d’abord envoyer des photos détaillées de sa tenue, qui seront ensuite examinées par un officier. Si le candidat remplit les critères, un numéro de matricule lui est attribué parmi cinq choix, et il devient officiellement membre de la « 501e. »
Créé en 1997, le groupe a très tôt été adoubé par Lucasfilm, qui l’emploie sur les opérations promotionnelles ou commerciales. « Si George Lucas nous a reconnus, c’est pour la qualité de nos costumes, notre rigueur quasi militaire et notre côté caritatif. Toutes nos recettes vont à des œuvres », insiste Arnaud Miralès.
Les plus maladroits qui auraient peur de se couper une main peuvent toujours se rabattre sur d’autres façons de vivre leur passion pour Star Wars. « Plus un phénomène culturel est grand, plus les pratiques qui vont se développer autour seront variées », observe encore Jean-Baptiste Clais. De la maquette de X-Wing à la réalisation de fan films, des dizaines de façons de rendre hommage à Luke Skywalker et ses amis ont émergé depuis 1977.
« L’une des passions qui se partagent le plus est sans doute celle des costumes, note l’ethnologue. L’intérêt pour ces fans n’est pas uniquement de se déplacer dans la tenue de leur personnage préféré, mais d’abord de réaliser le costume. Ils prennent plaisir à travailler le matériau et à en discuter avec les autres. »
« Je voulais incarner depuis longtemps Jaina Solo, la fille de Han Solo et de la princesse Leïa dans l’univers étendu (dans les romans et les comics) qui n’est pas reconnu par Lucasfilm et Disney. Son esprit frondeur me plaît beaucoup. Elle a pris un peu de ses deux parents, à la fois rebelle, touche-à-tout et bricoleuse. Enfin, j’ai toujours adoré les pilotes de X-Wing. Sur cette tenue, j’ai tout acheté. Le plus dur a été de réunir les fonds, mais aussi de trouver le bon fabricant et la taille adaptée. Pour mon casque, j’ai attendu près d’un an et demi, parce que j’avais d’autres costumes en cours. Au total, je pense en avoir eu pour 500 ou 600 €. Mais ce qui compte, c’est le plaisir qu’on donne, en s’investissant dans des événements caritatifs, par exemple. De voir des enfants avec des étoiles plein les yeux. »
« L’amiral Thrawn m’a servi d’inspiration. Il fait partie de l’univers étendu. On le voit plusieurs fois dans les romans et les comics. Le problème, c’est qu’il a la peau bleue. J’ai dû opter pour une version plus générique. Je tenais quand même à faire un amiral parce qu’on en voit peu. Cela n’a pas été facile. Il m’a fallu un an pour constituer l’ensemble de la tenue. Pour la tunique, j’ai fait appel à une couturière. Les bottes, aussi, ont posé problème. En France, les plus fidèles à la saga sont celles de la gendarmerie ou de la garde républicaine. Le résultat en vaut la chandelle. Faire vivre son personnage, et retrouver les amis sur les événements, ça a de quoi vous vider la tête. »
« Une fois que j’ai mis le masque, c’est fini, je ne peux plus faire un mètre. Moi, ce qui me plaît chez Dark Vador, c’est sa complexité. Il avait tout pour devenir le plus grand Jedi et il a cédé à la facilité du côté obscur, avant de se repentir. De toute façon, étant donné ma stature, j’avais le choix entre Chewbacca, dont le costume est beaucoup plus difficile à enfiler, et celui-ci. Je n’ai pas hésité longtemps. Ma tenue s’est faite progressivement, un achat après l’autre. Ca m’a pris plusieurs mois. Ce que je n’ai pas acheté, je l’ai fait faire. Une couturière a recouvert un jean et un pull de faux cuir pour faire illusion. Ca marche, tout le monde m’accoste. »
« Star Wars est le premier film que je suis allée voir au cinéma. Cependant, j’ai plus adhéré à la communauté « Star Wars » qu’à la saga en tant que telle. Sachant que j’adorais le rose, mes amis m’ont offert mon premier costume de couleur en 2007. Cette tenue m’a donné envie de me battre pour quelque chose. Assez naturellement, j’ai décidé de m’associer au ruban rose, et à la promotion du dépistage du cancer du sein. Mais je mène ce combat sans arme, mon équipement de Snowtrooper s’arrête à une paire de jumelles. Il en va ainsi de tous mes costumes, roses et sans armes. Réalisés avec mes amis, ils ont chacun une histoire différente à raconter. »
« Je fais partie des gardes rouges, aux ordres de l’empereur. Cette unité apparaît dans les épisodes II, III et VI, avec quelques variations. Dans les épisodes II et III, leurs bottes sont rouges et en daim, tandis que celles que j’ai à mes pieds sont noires, plus dans l’esprit de la première trilogie. L’avantage avec ce personnage, c’est d’abord de pouvoir parader auprès de l’empereur ou de Dark Vador, lors des conventions. En comparaison des Stormtroopers, on est aussi beaucoup moins nombreux. »