La caverne Pont-d'Arc

 

l’experience mystique de la Caverne

«La grotte, je la connais par cœur, dans tous les sens du terme, assure le préhistorien Jean-Michel Geneste. Croyez-moi, dans la restitution, on s’y croirait.» Y croire, voilà bien le fond du problème. Aussi fidèle soit-elle à l’ambiance et à la beauté de la grotte Chauvet, la Caverne du Pont-d’Arc reste un fac-similé. Il y a des bouches d’aération, même discrètes, des panneaux de sortie de secours… «Quand on vient ici, on va visiter un mensonge, il faut se préparer à croire, réapprendre à regarder, raconte l’architecte Xavier Fabre. On essaie de mettre les gens dans un état de concentration.» Si la Caverne du Pont-d’Arc est un site touristique et culturel, la réplique de la grotte a été imaginée et doit être vécue comme une expérience mystique.

«L’important, c’est d’y croire, explique le philosophe Michel Serres, adepte de la restitution en 3D de la grotte Lascaux 4. Il n’y a que les imbéciles qui ne croient que ce qu’ils voient. Les humains, et ce depuis des dizaines de milliers d’années, sont capables de croire en ce qu’ils ne voient pas.»

«On a eu une approche la plus humble possible, raconte l’artiste Alain Dalis. Il fallait trouver une intimité avec la grotte, on ne pouvait pas l’atteindre immédiatement. Encore aujourd’hui, il y a toujours quelque chose qui semble nous échapper. J’aimerais que le visiteur de la caverne ressente ça aussi.» Présent dans de nombreux mythes, rites religieux et paraboles philosophiques, le thème de la grotte est l’un des plus partagés de la pensée humaine.
Visiter une grotte, même artificielle, n’est jamais quelque chose d’anodin. Encore moins quand cette grotte abrite les plus anciennes oeuvres d'arts connues.

Cavernes mythiques
Rémus et Romulus y ont été recueillis par une louve, le roi Arthur y dort pour les siècles, la Pythie de Delphes y a ses visions. Pour les Egyptiens antiques, on atteint le royaume des morts par une grotte où coule un fleuve. Mahomet reçut ses premières révélations dans la grotte du mont Hira. Et Luke Skywalker apprend la vraie nature de la Force dans une grotte aux cauchemars. Dans sa célèbre allégorie de la caverne, Platon raconte un mythe selon lequel les hommes vivent enchaînés dans une grotte devant des images produites par des jeux d’ombres sur les murs. Pour Platon, le philosophe est celui qui se défait de ses chaines, quitte la grotte pour voir la vraie lumière du savoir, puis retourne dans la grotte prévenir ses compagnons.

«Il y a une seule représentation figurative humaine dans la grotte. Un corps féminin emboîté dans un bison et un lion. Et cette unique femme, plus vieille représentation du genre connue, est placée sur une roche verticale, accrochée à la voûte, devant la fresque aux lions. Au plus profond de la grotte, devant la plus belle peinture, cette femme est placée dans la position de la spectatrice, là d’où l’on regarde. Je ne sais pas pourquoi les Aurignaciens on fait ça, je n’y étais pas. Mais aujourd’hui, 36.000 ans plus tard, dans cette réplique, cette femme là, c’est un peu nous.»