Le Projet

Le défi de la restitution

Dès le début des années 2000, scientifiques et élus ont envisagé un projet de restitution de la grotte Chauvet, fermée au public. Le dossier de candidature pour une inscription de la grotte au patrimoine mondial de l’Unesco a accéléré les choses. Le cahier des charges de l’Unesco réclame en effet une accessibilité, au sens large, des sites au public.

Financé par la région Rhône-Alpes, le département de l’Ardèche et l’Etat, la Caverne du Pont-d’Arc sera, à son ouverture le 25 avril 2015,
la plus grande réplique de grotte ornée au monde. Elle a été installée sur les hauteurs du vallon Pont-d’Arc, en Ardèche, dans un parc boisé de 29 hectares, à une dizaine de kilomètres de la grotte originelle.

«Il n’était pas pensable que ce partage n’ait pas lieu, explique le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne. Il était indispensable de donner à éprouver au plus grand nombre le sentiment de se retrouver face à nos origines, aux débuts de l’Histoire.»

Le chantier a duré 30 mois durant lesquelles 35 entreprises et 150 personnes ont travaillé entre l’Ardèche, Paris et la Dordogne. Le budget de 55 millions, important mais pas colossal au regard des 380 millions d’euros de la Philharmonie à Paris, par exemple, a été tenu. Les 8.000 m2 de la grotte Chauvet ont été «compactés» en une anamorphose de 3.000 m2. Ne restent donc que les parties peintes et sculptées. Le défi a été de recréer le plus fidèlement possible l’ambiance de la grotte et la qualité des dessins et gravures.

Lascaux, le retour
«2015, c’est l’année de la Caverne du Pont-d’Arc. 2016 sera l’année de Lascaux 4.» Geneviève Pinçon, directrice du Centre national de la préhistoire rappelle que la France, qui compte 178 grottes ornées préhistoriques sur son territoire (sur 300 environ connues dans le monde), met le paquet sur les projets de restitution. Lascaux 4, imaginé pour désengorger le fac-similé Lascaux 2, et pensé comme une suite de la restitution mobile Lascaux 3, ouvrira en 2016. Le Centre international de l’art pariétal Montignac, nom complet de Lascaux 4, présentera une reproduction virtuelle intégrale de la grotte en 3D immersive. Les visiteurs, chaussés de lunettes, auront l’impression de pénétrer dans la grotte originelle.

8180 m² de décors réalisés

1000 dessins 425 figures animales

14 espèces différentes représentées


30 mois de travaux

8000m² compactés en 3000m²

350000 visiteurs attendus par an


budget de 55 millions d'euros

Les artistes du XXiE Siècle
dans la caverne

Pour reproduire les chefs-d’œuvre de la grotte, des artistes ont été mis à contribution. «On était dans un dialogue permanent avec le comité scientifique, raconte Gilles Tosello, archéologue de formation. Le but était d’être fidèle au rendu et à la méthode. Il nous a fallu étudier la texture des roches, la granulométrie…»

Les artistes ont pu visiter à plusieurs reprises la grotte originelle. «Ça retourne quand même pas mal. L’émotion est forte, c’est sûr, raconte l'artiste Alain Dalis. Là, le doigt de l’artiste a soulevé un bourrelet de glaise. Il tient comme ça depuis 35.000 ans grâce à quelques microns de matière. Nous, ça nous indique le geste qu’il a réalisé. C’est très précieux.» Les artistes ont utilisé les mêmes méthodes, notamment des fusains de charbon de bois de pin sylvestre. «Les scientifiques nous ont renseigné sur la façon dont les Aurignaciens préparaient certaines parois avant de peindre, raconte l'artiste. Eux n’avaient pas droit à l’erreur, ils n’avaient qu’un essai. Nous avons essayé de garder cette spontanéité du geste.»

«Cette grotte a révolutionné notre perception de l’art préhistorique, rappelle le préhistorien Jean-Michel Geneste. On a découvert que les Aurignaciens connaissaient la perspective et l’estompe, et savaient créer une illusion de mouvement avec la superposition d’images. Mais l’expérience sensible des artistes qui ont travaillé à la restitution est très précieuse, on a pu revivre la genèse de ces œuvres.»

Alors que la caverne du Pont-d’Arc est achevée, les artistes Alain Dalis et Gilles Tosello confessent «un spleen énorme, une sorte de baby blues». Ils savent bien que ce grand projet est peut-être le dernier de cette ampleur. «On espère qu’il y aura d’autres défis à relever mais Chauvet, c’est quand même unique au monde.»

Une entrée réservée aux VIP, Very Important Paleontologist
La grotte Chauvet est fermée au public depuis sa découverte. Seuls les scientifiques et quelques heureux privilégiés ont le droit de la visiter, trois mois par an. «Il faut savoir dire non, constate avec philosophie Marie Badisa, conservatrice de la grotte originelle. Il y a beaucoup de demande et on ne peut faire entrer que quelques personnes pour des séances très encadrées de deux heures maximum.» Fermée à l’origine pour la dangerosité de son accès, la grotte Chauvet bénéficie aujourd’hui du triste précédent de Lascaux, longtemps mise en péril à cause du bouleversement de son atmosphère. «Une grotte est un organisme vivant, explique Jean Clottes. L’hydrométrie, le taux de gaz carbonique, tout ça est interdépendant et difficile à contrôler.»